NAMASKAR

EPSON MFP image
NAMASKAR :
Release date : 24 mai 2019
Guests : V. Soundara Rajan & Pierre Harmegnies
Label : Banzaï Lab
Artwork: Sly2

Actif depuis la fin des années 90, Jean du Voyage aura mis quelques années avant de se résoudre à enregistrer sa musique pour la figer sur un disque. Beatmaker et producteur talentueux, il remporte plusieurs tournois de turntablism et s’immerge dans l’étude des rythmes et des beats comme d’autres font de l’économie ou écrivent de la poésie. Comment sculpter un flux ? Est-ce que la note contient le rythme ou est-ce lui qui la produit ? Peut-on jouer la même chose deux fois sans que cela ne donne deux morceaux différents ? Ses premiers travaux sonnent comme des études passionnantes où l’on croise du dubstep, du breakbeat, du jazz chill out mais aussi une aspiration à aller voir ailleurs si l’herbe musicale a le même goût qu’ici. En guise de dénominateur commun, une chose est immuable, cette idée que la musique est au moins aussi forte que celui qui la joue et le dépassera toujours de deux têtes. Jean du Voyage est un musicien médiateur qui relie les hommes aux hommes et les sons aux sons.

Il marche vers l’Est et revient au pays par la voie indienne, celle du mysticisme et des traditions ancestrales. Son premier album, Mantra, sorti en 2016 chez Jarring Effects, témoigne du bouleversement que subit le Français au contact du pays-continent. Sa musique s’étire alors à l’infini pour saisir l’émotion. Elle ralentit et s’hybride, en même temps qu’elle s’interroge sa raison d’être. Jean du Voyage fait chanter quelques invitées à la voix d’or et convie des rythmes de Samarkand et de Bristol, autour d’un cercle de collaborateurs amis qui détournent ses inspirations.

Le Namaskar EP prolonge de manière encore plus radicale cette expérience indienne et célèbre, sur cinq plages étonnantes, l’orientalisation des musiques électroniques. En partie composé à l’occasion du séjour en résidence rochelaise de V. Soundara Rajan, grand joueur de Saraswathi Veena (un instrument à cordes traditionnel), le EP est autant un disque de Jean du Voyage que le récit d’une rencontre. L’Indien et le Français jouent côte à côte et échangent par l’intermédiaire de leurs instruments. La Veena pleure quand les platines chantonnent. Le ton est badin, chaleureux et donne le sentiment réconfortant d’assister à un dîner entre amis. Le Namaskar renvoie littéralement à cet instant où deux personnes entrent en contact et rendent honneur à leurs âmes respectives, il donne les clés d’un EP qui décrit presque chronologiquement l’échange entre les deux hommes.

Le premier morceau, Revagupthi, est une salutation matinale pentatonique qui permet aux interlocuteurs de se découvrir. Il se prolonge sur une invitation à cheminer ensemble, autour de Nakshathram et Masala, où Jean du Voyage retrouve son fidèle collaborateur Pierre Harmegnies, avant de se refermer sur Charukesi, un chant d’adoration et d’élévation spirituelle. Plus encore que Mantra, le Namaskar EP est le disque de voyageurs en exil qui se parlent du pays en en reproduisant les sons et les lumières. Le résultat est beau comme un poème de Chaucer, disque-world et disque-monde écrit dans une langue natale imaginaire et qui réunit les hommes par-delà leurs origines et leur histoire.

La musique de Jean du Voyage élève l’âme et nous invite à une grande transhumance de conscience qu’on abordera, les doigts en éventail, depuis notre canapé ou notre train du quotidien. C’est une aventure peu commune qui saura agir pour certains comme une révélation.

Mantra